Voilà un film que j'ai pas mal aimé à sa sortie. Mais depuis j'ai essayé de le revoir, je l'ai re-croisé Noël dernier, et il faut que j'arrête de faire semblant.
J'ai vraiment un problème avec ce film et franchement, ça me fait de la peine. Je re-matais un making off où Lasseter et Dejas, Clements, Musker et tous mes animateurs adorés promettent le plus beau film Disney du monde, le retour éclatant et scotchant à la 2D, à la sincérité Disney, au conte de fée authentique. Je comprends qu'ils soient tombés de haut… Écoutez-les : ils font vraiment le film du siècle !!
https://www.youtube.com/watch?v=AHMdow6f6KIIls avaient l'air si enthousiastes, révolutionnaires… Mais les mecs , on n'attire pas les mouches avec du vinaigre !! Voilà le premier problème, la 2D elle-même de ce film
1/ L'animation : Dès les premiers mouvements de Eudora qui monte sur sa chaise pour attraper le chat ça m'a fait pitié je me suis dit c'est quoi cette 2D molle et un peu gauche à la Dumbo. Quand on veut montrer que la 2D c'est de la bombe, on sort les beaux plans à la Petite Sirène, Bossu, Pocahontas . Pour un retour royal à la 2D, je comprends que les gens aient pas forcément été scotchés. Avec ce film, moi-même je vois les limites de la 2D tout au long. Il y a de belles animations oui. Mais bon. Et puis, il manque vraiment une ou deux scènes marquantes (partir là-bas, le bal dans la belle et la bête, l'ouverture du roi lion, la fuite de la grotte dans Aladdin, la décision de Mulan…), que ce soit d'un point de vue animation, musical ou émotionnel. Ca manque d'ambition et de superbe tout ça.
2/ Deuxième problème, l'histoire : quand Disney invente une histoire du début à la fin, l'histoire est toujours à la fois un peu trop alambiquée ou un peu trop light ( J'inclue le Roi Lion mais c'est l'exception ça a cartonné). Bon ici on va me dire, ils ont adapté un conte. Mais en est-on sûr ? Je pense qu'ils ont plutôt adapté une "image" emblématique du conte de fées, presque une expression de la vie courante ( combien de grenouilles faut-il embrasser avant de trouver un prince charmant ?), un symbole présent dans "Le Prince Grenouille" de Grimm, "La Princesse Grenouille", autre conte de Grimm et conte russe. Mais ce ne sont pas ces derniers contes qui les ont inspiré. Ils ont en fait piqué leur twist original (le baiser transforme la fille en grenouille) à un livre pour enfant inconnu de E.D Baker.
http://en.wikipedia.org/wiki/The_Frog_Princess_%28novel%29Au final, leur histoire originale et hybride a le mérite de se métisser avec le côté historique et exotique, et contemporain, (musique, nouvelle orléans, années 30, Tiana multi jobs et auto-entrepreneuse dans le vent à la TOP chef, - élément peut-être trop actuel ? - ) et en même temps vintage : on est à fond dans la nostalgie, vu les références aux vieux Disney jusqu'à plus soif : un peu de jazz à la Jungle Book et Aristochats, du joli décor pastel à la Belle et Clochard, une pincée de bayous de Louisiane Bernard et Bianca, des sortilèges à la Yzma et Ursula, de l'humain transformé comme Kuzco et Frère des Ours, un croco à la Baloo, un plan de Lawrence en prince et Charlotte dansant comme dans la belle au bois dormant, un sortilège à briser avant minuit comme dans Cendrillon, des étoiles à la Pinocchio qui exaucent les voeux, de charmants petits animaux disnéens type blanche neige sortis on ne sait d'où dans la cérémonie de mariage finale, etc…
… Mais malgré tous ces plâtrages, ce n'est en aucun cas un conte classique. Pourtant l'histoire fait vraiment tout pour essayer d'y ressembler : robes de princesse à gogo roses, bleues, vertes (mais pas une réelle princesse à l'horizon ), Sorcier ( mais pas très puissant, background pas clair et mal expliqué), bonne fée marraine ( c'est comme ça qu'ils passent leur temps à appeler Mama Odie mais de fait elle est assez anecdotique, ne ressemble pas une fée et ne nous montre pas ses pouvoirs ), Prince à marier (mais on ne comprend pas trop d'où il vient, sorte de prince d'un pays style Inde, émirat, ou prince du pétrole ?)
Ca a donc la couleur du conte de fées (les mots princes et princesse sont vraiment répétés à l'envi comme pour s'en convaincre et nous en convaincre) mais pas le goût. Le message c'est "Vous voyez hein ? Vous avez bien compris ? C'est bien un conte, c'est bien un Disney !". Je n'arrive pas à croire que derrière ce patchwork un peu tiède se cache ceux qui ont concocté les véritables fresques scénaristiques de Aladdin, planète au Trésor ou Petite sirène !
3/ La musique. Là ça va être vite fait. OK, c'est bien de changer et d'avoir Randy officiellement sur un Disney. Mais pour un film qui célèbre le jazz et la tradition musicale des Disney, à part "Almost There" "Evangeline" et la chanson de Facilier, ça reste pas dans les annales. Quant au score lui-même, il est insipide au possible, peu de thèmes accrochent. Quand je pense que Alan Menken avait composé toute une soundtrack qu'on entendra jamais sur ce projet et qui a fini à la poubelle !!!!
4/ Dernier syndrome très gênant : trop d'idées qui vont trop vite, trop de contenu dans un temps limité, du coup les personnages, et les détails et les bonnes idées sont sous-exploités : mille études et efforts de reconstitution de la Louisiane pour des décors de ville toujours un peu vides et qu'on a pas le temps d'apprécier ou d'admirer. Tiana, superbe, chouette personnalité, joliment imparfaite avec son obsession, OK. Idem pour Naveen. Mais 60 % du temps les héros sont des grenouilles, et elles parlent, et parlent, et parlent. Une mascarade avec des chasseurs douteux à la TEx Avery, et PAf ! ils trouvent mama odie qu'on ne voit que quelques minutes et qui chante un gospel un peu hors sujet. Sa maison bateau dans l'arbre, les bouteilles colorées suspendues, encore de super idées visuelles à peine entrevues;… Idem pour son serpent, anecdotique. Pas le temps de le développer, on est déjà à 97 minutes de film ! Et pendant que Tiana et Naveen reprennent le bateau et parlent, parlent, parlent, en ville Facilier et Charlotte et Lawrence vont et viennent et parlent, parlent, parlent.
Un méchant avec un potentiel de malade mais pas raccord et trop vite expédié car j'ai toujours pas compris clairement l'histoire avec les masques et les ombres et son pacte, et en quoi forcer son complice Lawrence à épouser la fille du maire de la ville lui permettra de "voler" les âmes de tous les habitants...
Le Carnaval de la nouvelle orléans à la fin aurait du être un "Charivari" musical éblouissant. Pas le temps. La confrontation finale Tiana / Facilier, rapide, a failli être intéressante.
J'ai même lu sur Disney Wikia qu'un combat final magique Mama Odie/ Facilier a failli voir le jour. Quel ratage de l'avoir enlevé !
Encore un dernier argument, car tout est comme ça dans ce film : la plus belle robe de Tiana, sa vraie robe de princesse grenouille vert marais qui sera d'ailleurs la sienne officielle dans le merchandising : on la voit 5 secondes ! Ultime preuve qu'il y a vraiment un problème.
Au final, trop de bonnes chose à traiter en trop peu de temps, un scénario maladroit, et rien ne prend vraiment. Trop de pressions et d'enjeux avec pas assez de moyens sur ce film ? Pourtant il y a de belles choses je l'ai dit, des choses inédites, Charlotte, sa relation avec Tiana, le valet du Prince corrompu changé en doublon, de l'émotion avec le rapport au père, et Evangeline et Ray, sa mort et son élévation…
C'est un joli petit film-hommage, distrayant, à ranger du côté des petits films sympatoches, entre Dumbo, la Belle et le Clochard, et Lilo et Stitch.
C'est à dire, charmant, mignon comme une boîte à musique ou une boîte de bonbons. Mais comment ont-il pu croire qu'ils étaient en train de faire la nouvelle saga choc à la Roi Lion, Ariel, ou même Cendrillon ( pour comparer aux films de l'âge d'or qui ont tout ressuscité ) ?
Du coup tant pis, même en 3D, je préfère une merveille comme Raiponce qui synthétise à la fois et en toute intelligence :
- l'ambiance et l'esthétique des vrais contes de fées de l'âge d'or (films des années 50)
- un super travail d'adaptation sur une trame connue
- l'énergie scénaristique, dramatique et émotionnelle de l'âge d'or 2 (films des années 90)
- le modernisme humoristique et technologique de l'ère Pixar