Vacancier mystère 2016 : Les pères noël prennent des vacances !

Kelly regardait Andrew avec envie. Elle aurait voulu se confier à lui, avouer cet amour qui l'étouffait, mais elle savait déjà que c'était peine perdue.

Il était encore là, près d'elle, mais déjà parti. Il quittait le pays pour vivre de nouvelles aventures, de nouvelles responsabilités l'attendaient et elle ne pouvait se résoudre à gâcher son bel avenir. Il se tenait devant elle, lui expliquant que ce poste était une opportunité incroyable. Kelly frémissait en l'écoutant parler. Il partait pour Londres, et elle resterait esseulée, à Philadelphie, en pensant à l'homme dont elle était folle amoureuse et dont elle serait séparée à tout jamais. Une fois l'annonce faite, il l'embrassa sur la joue, la frôlant doucement. Son parfum l'enivrait, et elle se prit à rêver de ses douces lèvres sur les siennes... Elle sentait la chaleur monter en elle, mêlée à cette sensation de tristesse infinie..."

« Andrew prenait l’avion aujourd’hui pour Londres, il devait se familiariser avec cette ville incroyable mais surtout avec son nouveau cabinet d’architecte et ses nombreux collègues. Il s’était écoulé plusieurs jours sans qu’elle ait de ses nouvelles ; elle s’imaginait qu’il l’oubliait, qu’il la gommait de sa mémoire comme si elle n’avait jamais existé. Elle avait eu tout le loisir de repenser à leur première rencontre. C’était dans le cadre professionnel : étant décoratrice d’intérieur, elle travaillait de concert avec les architectes lorsqu’un nouveau projet était lancé, ou bien elle prenait le relais pour habiller et sublimer les demeures qu’ils avaient réalisées. Il avait dessiné et créé une merveilleuse villa avec vue sur l’océan, dans les Hamptons. Elle avait multiplié les allers retours pour satisfaire ses clients, mais surtout, pour le voir lui, cet homme séduisant, au sourire ravageur, et au regard bleu azur. Il avait pleinement conscience de son charme et de l'effet qu'il dégageait, mais pour autant, il n'en jouait pas. Replonger dans ses souvenirs l’avait rendue nostalgique et elle avait passé la soirée précédente, enroulée dans un plaid avec un verre de Chardonnay, tout en plongeant nonchalamment sa main dans la boîte de Ferrero Rochers qui traînait sur la table du salon depuis des semaines. Ce plaisir coupable la réconfortait mais n’effaçait en rien sa peine.

Elle s’était endormie, en pensant à lui, sur le canapé, et c’est le téléphone qui l’avait tirée de son demi-sommeil. Une voix stridente à l’autre bout du fil…

- « Mlle Beausseigne ? »

Et sans attendre de répondre, celle-ci continua à parler :

- « Bonjour, je me présente, Mlle Robertson, je travaille pour le cabinet d’avocats Smith and Horwitz de Philadelphie. Nous aimerions que vous passiez dans nos bureaux le plus rapidement possible, afin que nous puissions discuter d’une éventuelle collaboration pour la remise à neuf de nos bureaux.»

Kelly se réveillait à peine, et n’eut que le temps de murmurer qu’elle essaierait de passer en fin de journée puisqu’elle devait se rendre en centre-ville. Son interlocutrice la remercia promptement, et raccrocha.

Quelle drôle de demande… En effet, ses talents étaient certes reconnus, mais principalement pour la décoration d’appartements ou de maisons, jamais encore une entreprise n’avait fait appel à elle. Elle se leva et regarda tout ce qui jonchait la table basse devant elle. Elle avait peut-être un peu abusé sur le vin et les chocolats, ça expliquait ce petit mal de tête lancinant.

Après une douche rapide, elle enfila un tailleur gris, qui mettait sa taille fine en valeur, et se glissa dans une paire de Louboutin, ce qui lui fit gagner une dizaine de centimètres. Elle devait être à son avantage aujourd’hui. Une maison dont elle s’occupait sur la côte, à Southampton, était presqu’entièrement terminée, et ses clients, un couple de trentenaires, ingénieurs tous les deux, étaient particulièrement exigeants.

Elle n’eut le temps d’avaler qu’une bouchée de pain au chocolat de la veille et un café, puis elle se mit en route. Elle s’engouffra dans un taxi en bas de chez elle, pour faire un saut à son bureau. Sur le trajet, elle sortit son téléphone portable qu’elle n’avait même pas encore eu le temps de regarder depuis le coup de fil du matin. « 9h30, je suis en retard » pensa-t-elle… Le trafic était toujours intense, et plutôt que de regarder ses emails professionnels comme elle le fait chaque matin, elle ouvrit un dossier contenant des photos d’Andrew.

La première était la plus récente, juste avant qu’il lui annonça son départ. Il portait une chemise blanche cintrée, il avait enlevé sa cravate et la tenait dans sa main gauche. 2 ou 3 boutons étaient ouverts, laissant apparaitre le haut de son torse viril et musclé. Il était sportif, sans pourtant consacrer sa vie et tout son temps libre à ça, et ce qu’il préférait c’était nager. Elle avait eu l’occasion de partager cette passion avec lui, et lorsqu’ils étaient ensemble au club de sport, où se trouvait une piscine, elle avait du mal à détourner son regard, tant il était attirant. Le boxer rouge qu’il portait la dernière fois aurait pu être ridicule sur d’autres, mais sur lui, c’était sublime. Il avait les fesses rebondies, et les cuisses musclées, à force de nager il avait les épaules bien carrées, et elle s’imaginait bien souvent se blottir contre lui.

Leur relation avait pris un tournant amical plutôt que professionnel, mais ils n’avaient jamais franchi l’étape supérieure. Leur carrière respective les menait parfois loin l’un de l’autre ; c’était encore plus vrai aujourd’hui.

Le klaxon du taxi la tira de ses pensées. Elle était presque arrivée à son bureau et appela Christie, sa collaboratrice, et amie. Celle-ci avait l’air passablement énervé.

- « Kelly, j’en peux plus du couple Walker. Ils m’ont déjà appelé 3 fois depuis ce matin, ils sont sur place, et trouvent déjà quelques défauts à notre travail. Je m’suis efforcée de rester aimable avec eux, mais me prendre la tête pour le miroir de l’entrée alors qu’à la base ils ont donné leur accord, c’est vraiment pinailler pour pas grand-chose… Hé, t’es là ?! »

- « Oui oui excuse-moi, je me suis un peu laissée déborder ce matin, disons que le réveil fut compliqué ».

- « Ne me dis pas que tu as encore passé ta soirée à te lamenter sur Andrew ?! Il est parti Kelly, t’entends : PARTI. C’est pas comme si il t’avait quitté, vous n’étiez pas en couple ! Je te bouscule ma chérie, mais c’est pour toi.

- « Je sais je sais, écoute, je suis presqu’arrivée au bureau, on parlera de ça ce midi toutes les deux, en attendant, pas un mot, focus sur le boulot et le couple Walker ! »

Elle faillit noyer ses escarpins de luxe dans une flaque profonde en sortant de la voiture. Elle accéléra le pas pour s’engouffrer rapidement dans l’immeuble. Elle laissa glisser son sac sur le portique pour activer le portail de sécurité. Depuis 2001, on n’avait cessé de renforcer les contrôles un peu partout, et chaque immeuble s’était un peu transformé en bunker. Ça avait été pénible au début, et puis comme pour tout, le monde s’était habitué. Un pas dans l’ascenseur, direction le 20ème étage et sa jolie vue sur Rittenhouse Square.

Son entreprise n’était pas très grande et n’occupait pas tout l’étage. Une boîte informatique se trouvait donc au même niveau, ce qui avait été très pratique pour promouvoir les talents de ses collaborateurs et d’elle-même sur la toile. Leur site Internet reflétait vraiment ce dont ils étaient capables, et elle n’était pas peu fière de sa réussite et de celle de ses 9 collaborateurs. Elle avait commencé sa carrière comme juriste dans le cabinet d’avocats de son père, il tenait absolument à ce qu’elle travaille avec lui et qu’elle prenne sa suite. Elle avait détesté ses études de droit, mais s’était efforcée de bien faire et d’aller au bout, comme elle l’avait fait toute sa vie, pour satisfaire ses parents.

Durant ses études elle avait rencontré Carl, son premier amour. Il suivait le même cursus qu’elle, et très rapidement, il l’avait charmé. Avec douceur, sans lourdeur, il avait su gagner son cœur. C’était un homme sûr de lui, fils d’un important industriel New-yorkais. Leur couple avait tout de même survécu 6 années. C’est d’ailleurs à l’aube de ses 26 ans que tout fut chamboulé, sa vie sentimentale, comme sa vie professionnelle. Ce fut un nouveau souffle pour elle et, pour son plus grand bien, elle reprit enfin en main son destin.

Tout commença en famille. Elle avait un frère jumeau, Ethan, qu’elle adorait plus que tout. Ils avaient toujours été très complices. Dans la grande maison familiale, au porche à colonnade, et au jardin luxuriant, dont ils avaient fait leur domaine, ils avaient longtemps tenu à dormir dans des chambres côte à côte, séparées par une salle de bains commune, pour garder ce lien fort entre eux. La toise sur le palier était là pour témoigner de leur enfance heureuse et de leur complémentarité, et elle repensait souvent à leurs surnoms respectifs à l’époque « bigorneau » et « bigornette », qu’ils s’étaient choisis lors de leurs nombreuses escapades en bord de mer, ça amusait tellement leurs parents. Et puis l’adolescence les sépara quelque peu. Ils étaient proches, se confiaient, mais elle sentait bien que ça n’était plus comme avant…