Les âges d'or et sombres de Disney Un âge d'or (Renaissance, Trente glorieuses ou Années folles au regard de l'Histoire) ou sombre (Chute de l'empire romain, Grande dépression, guerres mondiales toujours historiquement parlant) sont les hauts et bas connus dans l'histoire humaine. Mais l'histoire artistique en est pleine aussi, et comme tous les fans de Disney le savent l'histoire de leurs studios préféré a connu divers âges depuis les années 1920.
Débutons par les âges d'or, qui bénéficient à la fois de la qualité artistique et du succès commercial, à commencer par le premier d'entre eux. La période 1923-1937 n'est généralement pas comptée, car alors les studios réalisaient exclusivement des courts métrages (mais ce fut une période florissante).
Premier âge d'or : 1937-1942 La période précédente n'avait donc rien de pénible, mais la mise en route du tout premier long-métrage d'animation,
Blanche -Neige, fut néanmoins difficile : personne n'y croyait, les financiers les premiers, des problèmes alors inédits furent à résoudre. … Mais comme on le sait,
Blanche-Neige et les sept nains fut un triomphe mondial et débuta une série de « longs » .
Leur avantage était que la séance était payée pour le dessin animé lui même, alors que les courts – métrages animés étaient jusqu'alors diffusés en complément des films live classiques dans les cinémas, alors seuls médiums permettant leur visionnage. Et bien sûr les longs furent une innovation technique (On devait déjà aux studios Disney le premier court métrage sonore,
Steamboat Willie, et le premier en technicolor,
Flowers and Trees.)
De façon générale, l'industrie considère cette période (en étendant jusqu'au début des années 50) comme étant « L'âge d'or de l'animation » (en anglais http://tvtropes.org/pmwiki/pmwiki.php/Main/TheGoldenAgeOfAnimation)
La période comprend
Blanche Neige et les Sept Nains, Pinocchio, Fantasia , Dumboet
Bambi.Elle se caractérise par :
1)
L'usage principal d'animaux et de personnages cartoony dans les premiers rôles.Cela prolongeant ce qui était déjà d'usage dans les courts-métrages. Ceux-ci étaient généralement fondé sur des gags du fait même qu'ils étaient courts. Et les gags se prêtaient davantage aux personnages animaliers. Les humains existaient déjà dans les courts mais sous la forme de caricatures (par exemple Betty Boop).
A titre d'essai Walt Disney avait réalisé un court plus « dramatique »,
La Déesse du printemps , avec une jeune fille aux proportions harmonieuses dans le rôle titre.
Et découvert les limites des animateurs par la même occasion : Perséphone, la déesse, a des mouvements évoquant un caoutchouc informe.
D'où une décision qui devait durer longtemps : limiter les apparitions des humains « harmonieux » et centrer le plus de scènes possibles sur des personnages à priori secondaires, (
Blanche Neige et les Sept Nains , Pinocchio, Fantasia) ou centrer toute l’histoire sur des animaux.
Voilà pourquoi Blanche-Neige a 14 ans et ressemble surtout à une petite fille mignonne, sa belle marâtre se transforme vite en sorcière caricaturale et le prince charmant apparaît une dizaine de minutes environ. La fée bleue sera visible à peu près le même laps de temps, et sera comme Blanche-neige rotoscopée (ses mouvements redessinés d'après l'enregistrement physique d'une vraie actrice). Tandis que [ i]Fantasia[/i] ne comprend qu'une séquence avec des créatures partiellement humanoïdes et harmonieuses (Les centaures dans la
Symphonie Pastorale.) .
Voilà pourquoi des scènes n'apportant rien à l'intrigue en apparence sont centrés sur les animaux de la forêt qui accompagnent Blanche-Neige (séquence de ménage) ou les nains (qui mettent bien longtemps à trouver Blanche-Neige chez eux, ou dont on prend le temps de montrer la toilette.)
Et bien sûr il reste la solution du personnage bâti sur le modèle cartoony des nains : Pinocchio, humanoïde mais enfant, et techniquement un jouet, accompagné d'un personnage animalier (Jiminy). Le Renard et le Chat parlaient dans le roman d'origine, mais c'était le cas de tous les animaux. Pas dans le film où Cléo et Figaro en sont incapables. Beaucoup d'adaptations récentes prennent aussi cette direction en faisant de ces deux-là des gredins humains qui ressemblent à un renard et un chat .
(
Pinocchio de Steve Barron)
Mais chez Disney, on sauta sur l'aubaine de faire des furries (animaux anthropomorphes) malgré la contradiction apparente d'avoir dans le même film un chat réel (Figaro) et un chat furry (Gédéon). Gédéon fut rendu muet comme Simplet parce qu'ils devaient se montrer plus expressifs dans leurs mouvements (plus aisé à animer, paradoxalement, qu'un personnage statique.).
Les films suivants, pour éviter aux animateurs le « cauchemar » d'animation qu'avait été Blanche-Neige, auront des héros animaliers : dans
Dumbo , les clowns et le directeur ont peu de temps d'exposition, dans
Bambi les chasseurs ne se montrent même pas. Et les personnages humanoïdes de
Fantasia ne se montrent aussi guère longtemps : les centaures , angelots et faunes, les fées, les fantômes et Yen Sid.
Ce nom étant celui du mage de
Fantasia.
- 2)
Les gags sont cartoonyMême raison que précédemment : les animateurs sortaient de leur scénarios habituels de courts- métrages et les gags habituels (utilisés aussi dans les courts-métrages live d'alors) sont recyclés. L'humour est donc fondé sur des chutes (la tortue puis les nains tombant dans l'escalier, les éléphantes effondrant leur pyramide, le crocodile bousculé dans
La danse des heures qui finit dans la fontaine), des coups sur la tête ( Gédéon et son maillet, Dormeur s'auto-assomant avec une cymbale), des fonds de culottes qui prennent feu ou équivalent (Bacchus pourchassé par les foudres de Zeus, le doigt de Pinocchio au début du film) , les ingérations digne d'un chameau (Simplet avalant un savon sans qu'on s'en inquiète puis sa cuillère dans une scène coupée) et ainsi de suite. Cet humour est qualifié en anglais de slapstick ou « tartes à la crème ». (Employées d'ailleurs dans
Dumbo.) Il concerne exclusivement les personnages secondaires « faits pour ça » ; nul ne songerait à rire de la Reine Sorcière ou de la fée Bleue.
Bambi, situé à la fin, utilise peu cet humour et a une atmosphère mélancolique et contemplative.
- 3)
C'est effrayantSi contradictoire que cela paraisse. La réputation tout miel rose et sucre d'orge qu'on a collée à Disney est exagérée et c'est tant mieux, sinon les films n'auraient eu aucun succès : tout le monde serait sorti de la salle en vomissant des arcs-en ciel !
Bien sûr, tous les Disney animés eurent leur lot de moments effrayants . Les décennies suivantes eurent toutes leur scène où l'on se cache derrière le divan.
(Oui, un peu comme ça)
Mais moins nombreux et d'une certaine façon « intenses » que dans le premier âge d'or, quand Walt Disney scénarisait puis supervisait encore lui-même. Pour lui à chaque rire devait correspondre une larme. Certainement aussi un frisson.
La forêt vivante dans Blanche-Neige, la métamorphose de la Reine et les squelettes de son donjon firent cauchemarder quelques générations- mais pas tant, peut être, que la version ride de parc d’attractions encore classée de nature à « impressionner les plus jeunes » où les squelettes, c'est dans la figure qu'on les a.
Nul n'a oublié dans Pinocchio , les métamorphoses en ânes et les animaux en question envoyés aux mines de sel...tant qu'ils n'ont pas gardé le don de la parole. Et bien sûr Monstro. Là encore la version ride impressionne peut être encore plus.
Sans parler du fait que si soixante ans plus tard John Lasseter tint à nous rassurer sur le sort des jouets de Sid dans
Toy Story, qui lui fichèrent la trouille de sa vie pour l'empêcher de leur nuire encore ("Sinon c’eut été comme laisser des otages avec un bandit" disait Lasseter) le premier âge d'or ne s'embarrasse pas de ces précautions: le cocher de
Pinocchio est des rares méchants resté sans punition, et rien apparemment n'est venu sauver les mauvais garçons changés en ânes.
La parade des éléphants roses de
Dumbo fait peur à certains mais fascine d'autres qui s'interrogent sur l'origine de l'inspiration des animateurs.
Sans oublier le suspens qui monte à l'arrivée des chasseurs dans
Bambi et lors de l'incendie final.
Le summum reste
La nuit sur le mont chauve dans
Fantasia : même la gamine que j'étais quand je l'ai vu la première fois n'en revenait pas de la présence d'un ovni pareil dans un Disney.
Le dieu slave Chernabog (En apparence, mais en fait, il semble bien qu'il était prévu de représenter le diable) invoque des fantômes , fait jaillir des démons, jette le tout dans la fournaise...
Bonne nuit les petits !
C'était avant l’instauration du Motion Picture Association of America film rating system en 1969 et ses fameux “G” ou “PG-13” qui appliqué prive d'un bonne partie de l'audience (moins de 13 ans) et décerné pour moins que ça aujourd'hui.
Les émotions fortes sont de toute façon la marque de fabrique de cette âge , également quand il s'agit de tristesse , le précepte de la larme évoqué plus tôt était suivi à la lettre.
Une fois de plus les décennies qui ont suivi ont eu leur lot de scènes de chagrin, mais l'intensité du premier âge d'or les surclasse en la matière.
Celui qui n'a pas pleuré comme un bébé à la mort de la mère de Bambi, à la veillée funèbre de Blanche-Neige ou pendant la chanson
Mon tout petit (
Dumbo) au moins une fois est un menteur, ou un droïde construit sans simulateur de sentiments.
Et le rire suivait ou précédait la larme au sens propre :
Mon tout petit et
La parade des éléphants roses se suivent de près, le décès de la maman de Bambi précède la chanson sur le printemps, et l'hilarante
Danse des heures de
Fantasia La nuit sur le mont chauve. Elle même suivie de l'apaisant
Ave Maria : le premier âge d'or joue avec les contrastes émotionnels.
- 4)
En avant la musique.Là encore, oui, tous les Disney sont musicaux, non ? ( En fait non...pas tout à fait. ) Dans le cas du premier âge d'or, les chansons étaient beaucoup plus nombreuses que par la suite (où leur chiffre tombe en moyenne à cinq, c'est déjà le cas dans
Pinocchio). Il y a huit chansons dans
Blanche-Neige et les sept nains, sept dans
Dumbo et huit dans
Bambi.
Franck Churchill était l'auteur principal de la plupart de ces chansons ; il était à l’œuvre depuis les années 1930 puisqu'il avait écrit
Qui craint le grand méchant loup ? pour
les Trois petits cochons. Walt Disney connaissait depuis cette époque le supplément d'intérêt qu'apporte une chanson et fit de ses longs-métrages animés des films musicaux ; depuis c'est une règle implicite presque obligatoire même chez la concurrence. Les chansons étaient écrites avant l'animation pour qu'elles s'intègrent parfaitement à l'histoire. ( Walt Disney détestait les comédies musicales où les personnages se mettent à chanter sans raison.) Cette règle sera parfois oubliée jusque dans les années 1990.
Et puis bien sûr
Fantasia, entièrement musical comme on le sait. Pas de paroles, pas de ligne narrative comme dans la
Toccata et fugue en ré mineur, parfois. Cela dut dérouter le public en 1940, car si aujourd'hui
Fantasia est un classique connu et reconnu il ne marcha pas très bien à l'époque, en faisant le mouton noir de l'âge d'or.
Les âges ont un fonctionnement de montagnes russes : ça monte puis ça descend lentement question qualité artistique et succès commercial. Voilà pourquoi les premiers films d'un âge sombre semblent bons, moins que ceux d'avant, mais meilleurs que ceux qui les suivent dans la période noire; la dernière fois c'était
Atlantide,
Lilo et Stitch, et
La planète au trésor qui bénéficiaient encore d'une certaine qualité.
A l'inverse quand un âge d'or commence, on voit apparaître un film « hors sujet » (par son sujet justement, ou/et ses mauvaises performances commerciales), les habitudes de la décennie précédente n'étant pas faciles à perdre et parce que sa production a démarré dans un âge sombre.
Mais
Fantasia doit sa différence à son principe avant-gardiste, tout simplement ; c'est les rediffusions qui lui feront justice.
-5)
Le pouvoir de l'aquarelleLa caractéristique des décors de l'époque sont leur couleurs douces et translucides, ainsi qu'un aspect encore assez réaliste pour beaucoup de personnages d'humains harmonieux. Les animaux mignons ou les personnages d'enfants ont déjà ces yeux larges jugés aujourd'hui caractéristiques de la compagnie. Un aspect attendrissant vu aussi dans des productions comme celles des frères Fleisher (
Betty Boop). Plus tard il inspirera aussi Osamu Tesuka, précurseur du manga.
-Caractéristiques techniques :Les Animateurs et réalisateurs : Ce sont pour la plupart les neuf sages :Les Clark ,Eric Larson , Frank Thomas ,Ward Walrath Kimball , Milton Erwin dit Milt Kahl , Ollie Johnston Jr. , Wolfgang Reitherman , John Lounsbery ,Mark Davis .
Musique : Principalement de Franck Churchill.
-Les sources d'origine des scénarios : Des contes de fées (
Blanche-Neige, Pinocchio) Et de nouvelles pour enfants comme
Bambi et
Dumbo . Toutefois le scénario de ce dernier proviendrait d'une courte BD publiée au dos des paquets de céréales de l 'époque...Il donc à la limite du sujet original, comme l'est
Fantasia . Tous ces sujets devaient définir ceux des années à suivre.
-Les perles de la décennie :
Blanche-Neige, Pinocchio, Bambi , Dumbo.-Le "mouton noir" : Fantasia, même si il n'avait cette réputation qu'à l'époque.
- Le rôle des femmes est encore traditionnel (et elles sont peu présentes) tandis que les humains sont peu présents eux aussi . L'héritage des courts-métrages de la décennie précédente est encore visible par l'humour et le style des personnages. Cet âge d'or devait définir Disney dans l'esprit du grand public ( bien que l'aspect "effroi" soit oublié le plus souvent ) . Il est débuté par un « film de princesse » (
Blanche-Neige) considéré aussi comme caractéristique. Par la suite les autres devaient aussi commencer de cette manière.